Accueil > Actualité, presse, autres associations > Gisèle Halimi est morte
Gisèle Halimi est morte
mardi 28 juillet 2020, par
Défenseure passionnée de la cause des femmes et anticolonialiste, la célèbre avocate, qui a défendu des militantes algériennes telle que Djamila Boupacha et d’autres pendant la guerre d’Algérie, et qui s’est battue pour le droit à l’avortement et la criminalisation du viol, est morte le 28 juillet, à Paris, à l’âge de 93 ans.
La robe irrespectueuse
Par Anna Musso, journaliste à L’Humanité
« Je ne sers plus à rien, je suis à jeter… » Quand Gisèle Halimi reçoit ce cri de douleur de Djamila Boupacha, son sang ne fait qu’un tour. À vingt-et-un ans, cette militante du FLN est torturée et violée par les paras français jour et nuit depuis un mois. Gisèle, avocate de trente-deux ans au Barreau de Paris, prend l’avion direction Alger. « Elle avait encore les seins brûlés, pleins de trous de cigarettes, des côtes cassées… » Gisèle rentre à l’hôtel pour préparer son procès du lendemain. Mais, le soir même, la police vient l’arrêter et l’expulser. Dès son retour à Paris, elle mobilise les politiques et les intellectuels. Elle rencontre Simone de Beauvoir le 24 mai 1960 pour lui demander de relater la torture de Djamila dans Le Monde. Et elle crée dans la foulée le Comité de défense pour Djamila. Grâce à leur action, Djamila est transférée en prison en France jusqu’à la signature des accords d’Évian. Gisèle Halimi n’en est pas à son premier procès pour défendre les indépendantistes algériens. « La découverte du système des tortures fut le grand choc de ma vie. » Six ans plus tôt, à vingt-sept ans seulement, elle plaide pour les Algériens arrêtés après la « Toussaint sanglante ». Puis, en 1958, elle est avocate au procès du massacre d’El Halia dans lequel 44 Algériens sont encore injustement accusés d’avoir massacré des Européens. Avec son confrère Léo Matarasso, ils sont surnommés « les avocats des tueurs » par les Occidentaux. Mais, grâce à eux, preuve est apportée que les aveux ont été extorqués sous la torture. Condamnée trois fois à mort par l’OAS, emprisonnée durant un mois à Alger, il en faut plus à Gisèle Halimi pour rendre les armes. Après l’affaire Djamila, elle devient une fervente militante des femmes en France. Elle signe le manifeste des 343 femmes qui, le 5 avril 1971, proclament qu’elles ont avorté, avec Simone de Beauvoir, qui deviendra présidente de son association « Choisir la cause des femmes ».
De la lutte anticoloniale à la cause des femmes, ses deux engagements sont intimement liés. Inscrits dans son enfance. À dix ans, son père refuse qu’elle fasse des études parce qu’elle est une fille…
Insupportable injustice : elle sera avocate ! Son premier combat, elle le gagnera à douze ans. Née en Tunisie d’un père berbère et d’une mère juive, dans une famille traditionaliste, elle entame une grève de la faim pour protester contre l’obligation de servir ses frères. Au bout de trois jours, ses parents cèdent. Elle écrira dans son journal intime : « Aujourd’hui j’ai gagné mon premier petit morceau de liberté. » À quatre-vingt-cinq ans, cette « avocate irrespectueuse », comme elle se définit, qui voulait « changer le monde en plaidant », a réussi son projet. Insatiable, elle continue de se battre pour les droits des femmes dans le monde, et scande inlassablement l’importance des études. « Le savoir, c’est une forme de pouvoir en particulier pour les femmes. D’abord parce qu’elles connaissent mal l’Histoire et leur histoire en particulier. Et quand on connaît mal son histoire, on ne sait pas comment faire aboutir la revendication féministe. » À nous de continuer le combat.
Dans une longue interview accordée au journal Le Monde en septembre 2019, la nonagénaire s’étonnait encore que « les injustices faites aux femmes ne suscitent pas une révolte générale »
…
Gisèle Halimi, une vie de combats
L’Humanité. Mardi, 28 juillet 2020
L’avocate, militante féministe et anticoloniale, est morte à l’âge de 93 ans a annoncé sa famille. « Elle s’est éteinte dans la sérénité, à Paris », a déclaré l’un de ses trois fils, Emmanuel Faux, estimant que sa mère avait eu « une belle vie ».
Issue d’une famille modeste, Gisèle Halimi est née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie. Avocate engagée, elle se fait notamment connaître lors du procès emblématique de Bobigny, en 1972, où elle défend une mineure jugée pour avoir avorté suite à un viol.
Elle obtient la relaxe de la jeune femme et parvient à mobiliser l’opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de l’avortement, début 1975, avec la loi Veil.
Fondatrice en 1971 avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir de l’association pour le droit à l’avortement « Choisir la cause des femmes », elle est la même année l’une des signataires du célèbre manifeste des 343 femmes disant publiquement avoir avorté
Militante anticolonialiste, « je ne veux pas me taire » affirmait-elle à l’Humanité, à propos de la Palestine et du sort de Gaza.
Élue députée de l’Isère (apparentée PS) en 1981, elle poursuit son combat à l’Assemblée, cette fois-ci pour le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté en 1982. Avant de prendre ses distances avec le Parti socialiste après son élection à l’Assemblée.
En 1998, elle fait partie de l’équipe qui crée Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne).
Parallèlement à sa carrière d’avocate, elle a mené une carrière d’écrivain. Parmi sa quinzaine de titres, figurent « Djamila Boupacha » (1962), du nom d’une militante emblématique du FLN, et une oeuvre plus intimiste comme « Fritna », sur sa peu aimante mère (1999), « pratiquante juive totalement ignorante ».
Mère de trois garçons, dont Serge Halimi, directeur de la rédaction du Monde diplomatique, elle a confié qu’elle aurait aimé avoir une fille pour « mettre à l’épreuve » son engagement féministe. « J’aurais voulu savoir si, en l’élevant, j’allais me conformer exactement à ce que j’avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les femmes », a-t-elle dit au Monde en 2011.
Gisèle Halimi. Portrait par Mustapha Boutadjine. Paris 2012 – Graphisme-collage
http://artbribus.com/2015/12/22/gisele-halimi/
Pour Djamila, téléfilm réalisé par Caroline Huppert et diffusé pour la première fois le 20 mars 2012 sur France 3.
Pour Djamila
Comment en pleine guerre d’Algérie, la jeune avocate Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir ont transformé la condamnation d’une militante du FLN en tribune pour l’indépendance. Un téléfilm historique émouvant de Caroline Huppert, avec Hafsia Herzi
Notre amie Geneviève Coudrais rappelle d’autres engagements de Gisèle Halimi : « Dans cette vie si riche en combats, il convient de rappeler que le combat anticolonial de Gisèle Halimi ne s’est pas arrêté à la défense de militant(e)s algériens pendant la guerre d’Algérie : après avoir participé, en effet, en 1967, au Tribunal international des crimes de guerres commis au Vietnam créé par Bertrand Russell, en 2009, elle a été membre du Comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine. En mars 2010, elle faisait partie du jury de la première session de ce Tribunal, à Barcelone, sur la responsabilité de l’Union européenne et de ses États membres dans la poursuite de l’occupation des Territoires palestiniens.
Quelle que soit la forme de colonisation, pour reprendre ses termes, elle ne s’est jamais résignée »
M. B.
À lire : L’arrestation de Djamila Boupacha
http://www.4acg.org/L-arrestation-de-Djamila-Boupacha
Merci Gisèle
Gisèle Halimi savait que tout est politique. Elle plaidait avec des discours de militante, elle politisait le particulier, elle en appelait à l’opinion publique, à la société tout entière.
http://www.slate.fr/story/193242/merci-gisele-halimi-avocate-militante-feministe-djamila-boupacha-mediatisation-affaires-viol-loi-veil-ivg
Gisèle Halimi, l’avocate qui a fait basculer la loi Veil sur l’avortement
Anticolonialiste, pro-avortement, défenseuse des victimes de viol, engagée pour la parité en politique… Pour Gisèle Halimi, aucun combat n’est trop lourd à porter.
http://www.slate.fr/story/166550/gisele-halimi-avocate-avortement-viol-egalite-femmes-hommes
Gisèle Halimi
https://fr.wikipedia.org/wiki/Gis%C3%A8le_Halimi