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« 17 octobre 1961, la gangrène du racisme » : le colloque international du Sénat a tenu ses promesses

vendredi 22 octobre 2021, par Michel Berthélémy

Ce vendredi 15 octobre, dans un amphithéâtre du Sénat, l’affiche était séduisante et les intervenants n’ont pas déçu. Organisée par la dynamique association « Au nom de la mémoire », animée par Samia Messaoudi et Mehdi Lallaoui, la rencontre a réuni plusieurs historiennes et historiens, ainsi qu’une anthropologue, Tassadi Yacine, qui ont traité chacun un aspect du désastre du 17 octobre 1961.

Après avoir rappelé l’imposante manifestation algérienne de décembre 1960 à Alger, annonciatrice de la manifestation de l’automne suivant à Paris, Benjamin Stora a pointé l’invisibilisation, organisée par la France, des travailleurs algériens sur notre territoire, l’une des causes historiques du drame d’octobre 61. Autres signes avant-coureurs, la manifestation du 14 juillet 1953 à Paris en réaction aux attentats de l’OAS, qui avait fait sept morts, et le vote des pouvoirs spéciaux en 1956, prélude à la montée de l’extrême-droite dans le conflit algérien.

Linda Amiri a brossé ensuite l’histoire de la Fédération de France du FLN et du combat meurtrier qui a vu s’affronter FLN et MNA pour prendre la tête du mouvement d’indépendance algérien. Le FLN entendait notamment être le seul interlocuteur dans la négociation d’un cessez-le-feu avec la France.

L’historien anglais Jim House s’est intéressé, quant à lui, à l’attitude des femmes algériennes en France au moment des faits. Le 20 octobre, trois jours après le drame, elles sont sorties en nombre dans la rue pour demander ce qu’étaient devenus leurs maris. Elles ont été arrêtées, emprisonnées, internées en établissements psychiatriques, prises pour des folles. « Nous en avons assez que nos maris soient traités comme des chiens », « pour nous, manifester c’est voter ». Pour Jim House, les femmes algériennes ont osé ce jour-là se montrer au grand jour et ont revendiqué une dimension politique à leur présence en France.

Pour Gilles Manceron, la fragilisation du pouvoir politique français dans les années 60/61 a favorisé l’émergence du 17 octobre. De profondes divergences sont apparues au sein même de l’Exécutif durant cette période, allant du désir de négocier pour les uns au refus de tout dialogue avec le FLN pour d’autres. De récentes révélations tendent à accréditer l’idée d’un jusqu’auboutisme de la part de membres du gouvernement, notamment du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur, possiblement à l’origine des violences du 17 octobre. Pour Gilles Manceron la recherche de la vérité passe par la nécessité d’ouvrir enfin complètement les archives.

Reconnaître le 17 octobre ne suffit pas, il faut aller plus loin…

L’anthropologue et écrivaine Tassadi Yacine insiste ensuite sur l’importance essentielle des mémoires et de leur transmission. Elle parle de mémoires cachées, ou « interdites », telles celles des femmes par les hommes, en soulignant que les femmes luttaient en ces moments-là non seulement pour leur propre libération, mais aussi pour la libération nationale. Entre l’intime et le politique, les hommes ne se retrouvaient pas toujours dans leur relation à leurs compagnes. Pour l’anthropologue, la reconnaissance des seuls crimes du 17 octobre ne suffit pas, il faut aller jusqu’à la reconnaissance du système colonialiste et de toutes les violences qu’il a générées.

Fabrice Riceputi évoque enfin la figure de Jean-Luc Einaudi qui, sans être historien, avait entamé un travail de recherches sur les disparus algériens du 17 octobre, dont l’État français prétendait à l’époque qu’ils étaient au nombre de trois. Ce « citoyen-chercheur », comme il se nommait lui-même, a ouvert la voie aux historiens qui, aujourd’hui, saluent en lui un pionnier indispensable à leurs propres recherches.

Nadjian Bouzeghrane et Bernard Ravenel sont eux aussi intervenus, l’une pour évoquer les échos tardifs en Algérie du 17 octobre à Paris, et le second pour dresser un tableau de la presse française à l’époque et de la manière dont ces « évènements » ont été traités. Seuls quelques titres de presse ont évoqué les faits, alors que la plupart des autres médias se sont tus, tout comme la très grande partie de la population française. L’occultation de drame a duré une trentaine d’années. Il n’est donc jamais trop tard…

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